Les hommes qui n’aimaient pas les femmes ; Män som hatar kvinnor (Suède, 2009) : avis d’un givré

millenium

15/20 – Nous les hommes, pauvres diables

Mikael Blomkvist est journaliste économique dans le magazine Millenium. Condamné pour diffamation, il décide de prendre de la distance avec sa vie et son métier. Mais Henrik Vanger, grande figure de l’industrie suédoise, fait appel à lui afin d’enquêter sur un meurtre non élucidé, celui d’Harriet Vanger, sa nièce, disparue à l’âge de seize ans. Au cours de ses recherches, Blomkvist se rend compte que La famille Vanger cache bien des haines et des secrets. Dans le cadre de son enquête, le journaliste est amené à rencontrer Lisbeth Salander. La jeune femme de vingt-quatre ans possède un don exceptionnel, celui de découvrir des informations introuvables. Tous deux vont être amenés à se croiser dans une enquête qui va révéler beaucoup plus que ce que chacun aurait pu imaginer… (allocine)

Bon titre, bon livre, bon film. 3 bonds positifs, entraînants, engagés, féministes sans être démagogiques. Beaucoup d’hommes qui, en effet, n’aiment pas les femmes hantent ce monde glauque et malade avec au beau milieu l’exception qui confirme la règle, Mikael Blombkvist et Lisbeth Salander, respectivement journaliste et fouineuse sans peur (ça rime), qui s’en viennent rehausser ces statistiques déprimantes de leur bonne âme encourageante. Lui, calme et paisible, combat l’injustice et attire les femmes. Elle, volontaire et également combattive, refuse son statut de victime.

Avec ces deux personnages forts et complémentaires, dans son premier opus de sa trilogie dite « Millenium » l’écrivain décédé Stieg Larsson donne un coup de fouet au genre policier en prenant à contre-pied cet univers machiste habituellement blindé de femmes fatales en tout genre. C’est d’abord le diable d’homme qui crée la femme fatale, et c’est à lui, en premier lieu, que s’intéresse Larsson. Cette approche, diamétralement opposée, rafraîchit considérablement la donne sans pour autant freiner la ferveur que provoque tout bon polar qui se respecte : il se lit d’une traite. Suspens, rebondissements, prises de risque, personnages bien écrits et environnement cohérent font que l’on adhère avec bonheur à cette histoire de son début à sa toute fin en sachant que la trame principale se termine avec la désignation du coupable au moins 50 pages avant la dernière. S’ensuit de l’annexe, suffisamment intriguant pour passionner grâce à ses protagonistes hauts en couleur. Voilà pour le roman. Et le film dans tout ça ? Je viens d’en causer figurez-vous. Il colle complètement au livre, conserve ses qualité et, pourrait-on dire, le supplante.

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Sans être un film d’auteur qui s’accaparerait le bouquin pour en faire autre chose (le Shining de Stephen King revu par Stanley Kubrick par exemple), le réalisateur Niels Arden Oplev, à qui l’on doit déjà le drame remarqué Worlds Apart, l’adapte sans aucune extrapolation, le respecte intégralement. Il ne fait que l’illustrer avec, disons-le, une mise en scène somme toute fonctionnelle. Rédhibitoire ? Non, dans la mesure où sur 2h30 de pellicule la narration ne faiblit jamais. Le casting est parfait jusque dans les 3ièmes et 4ièmes rôles et le scénario d’une intelligence admirable. On ne s’en étonne pas, Rasmus Heisterberg, déjà derrière celui de What No One Knows, officie sur l’adaptation avec comme collaborateur le pas mauvais non plus Nikolaj Arcel, tous deux déjà derrière le blockbuster danois Island of Lost Souls (2007, du Harry Potter made in là-bas). En quelques gestes et regards seulement on devine que Mikael Blombkvist, joué tout en douceur par l’acteur au nom assez proche (tiens c’est amusant) Michael Nyqvist, a – ou a eu – une relation avec sa patronne Erika Berger. A ce dernier personnage de s’effacer logiquement afin que l’on se concentre sur le principal. En quelques mots et rares réparties on comprend aussi l’enjeu du procès qui oppose le super journaliste au malfaisant Wennerström. Exit les longues explications sur les tenants et les aboutissants de l’affaire.  La plus grosse coupe, surprenante mais évidente, concerne le titre même de la trilogie : Millenium, le nom du journal dans lequel travaille Blombkvist. Dans le livre, une sous-trame lui est consacrée. Dans le film il n’est que brièvement évoqué, au début et à la fin. Les scénaristes l’ont occulté au profit de ce qu’ils ont pensé être – à raison – la  clef même du succès de cette histoire : Lisbeth Salander.

Jouée par la miraculeuse Noomi Rapace, Lisbeth Salander conserve toute son aura. Son rôle n’est pas diminué, contrairement aux autres, ce qui, par ces retraits, la met, elle, davantage en avant. Le viol qu’elle subit n’est pas allégé, il est aussi horrible que dans le livre, aussi étouffant que celui de l’Irréversible de Gaspard Noé, dont on a beaucoup (trop ?) parlé en son temps. Qui détruit tout, pour rappel. Avec Lisbeth, le polar se transforme en une sorte de « hero movie » trash, cette fantomette gothique des temps moderne, par sa forte présence, provoquant chez le spectateur l’envie de la suivre dans d’autres aventures, encore et encore. Trois livres lui sont consacrés, mais une franchise ou même une série TV pourraient sans peine lui être dédiées tant une nouvelle icône est née, une femme à fort caractère à qui beaucoup d’autres peuvent s’identifier sans peine. Il n’y en a pas tant que ça dans l’histoire du cinéma, cherchez bien. Pourquoi donc, tiens ? Une idée parmi d’autres : peut être que lorsqu’un réalisateur de ciné de genre se réfugie dans le cinéma pour fuir la femme, il ne la met pas toujours sur un piédestal. Et lorsqu’il le fait, parlant de qu’il ne comprend pas, il crée des personnages de bd sans existence réelle, des « revenge movies » qui aguichent en premier lieu des types qui viennent paradoxalement se rincer l’œil le temps d’une ou plusieurs scènes de viol. C’est bien connu. A aucun moment L’homme qui n’aimait pas les femmes n’a cette teneur là. On attend les deux suites, réalisées par Daniel Alfredson (frère de Tomas, le réalisateur de Morse), avec impatience.

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