Nous les vivants (Roy Andersson, Suède, 2007)

« Nous, les vivants parle de l’Homme, de sa grandeur et sa misère, sa joie et sa tristesse, sa confiance en soi et son anxiété. Un Homme dont nous voulons rire et pleurer à la fois. C’est tout simplement une comédie tragique ou une tragédie comique à notre sujet. »

N’attendons pas que la mort nous donne du talent (François Valéry)

« Nous les vivants » et non juste « Les vivants » parce que les rares regards lancés à la caméra, dont ceux d’une belle, nous incorporent à ces tranches de vie tragi-comiques bien trouvées. Elles sont en partie inspirées de Laurel et Hardy, qui sont « à la fois très comiques et tristes », dixit le maître.

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Ordonnancées au montage – excepté l’intro et la chute – les séquences s’enchaînent de manière fluide et évitent ainsi les travers du film à sketch. En laissant du temps au temps et en conservant ce fil rouge, les petits, jeunes et vieux vivants, le réalisateur partage sa vision des « choses », car à travers ses plans larges il accorde au moins autant d’importance aux décors qu’aux individus. « Bergman pensait que le visage disait tout sur l’être humain. Moi, je préfère regarder sa chambre. » avoue-t-il, passant un temps monstre à préparer ses vignettes, toutes fignolées en studio tels des dioramas grandeur nature.

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Un décor, la belle ; une étude des couleurs et lumières à se damner.

Les scènes sont pour la plupart des plans fixes mûrement travaillés qui jouent sur la profondeur de champs, l’interaction entre individus au premier plan et d’autres au second, qu’ils aient une importance ou n’incarnent que de simples figurants, tels des objets témoins. C’est original, reposant, frais, mais également très ludique. Cette facétie dans la création évoque parfois Terry Gilliam et les Monty Python, en particulier leur bijou de film à sketchs, Le sens de la vie, au propos tout autant grinçant.

Ses études de cinéma au Dramatiska Institutet de Stockholm rendent Andersson d’abord célèbre en tant que réalisateur de publicités. Elles lui permettent de financer ses longs. Cela répond à ceux qui se demandent pourquoi il ne tourne pas en noir et blanc à ainsi flirter avec des tonalités chromatiques grises (j’ai pensé au dessinateur Serre, pour ma part). « Si vous faites du noir et blanc, c’est un peu trop facile », juge le réalisateur. « On tend immédiatement à penser qu’on fait du bel art et je n’aime pas ça. J’ai commencé avec ces couleurs dans les années 80 parce qu’après 15 ans à tourner des films, je me suis soudain senti très fatigué. Je n’étais pas inspiré par le style réaliste que j’utilisais. Fort heureusement, j’ai trouvé un moyen de contourner ça. J’ai commencé à faire de l’abstrait, inspiré par la peinture, spécialement la période d’entre-deux guerres, dans les années 30, en Allemagne. Mon peintre favori est l’expressionniste Allemand Otto Dix. » Si celui-ci a surtout peint les affres de la 1ère Guerre Mondiale après l’avoir vécue, en farfouillant sur la « toile » on découvre certaines de ses œuvres très clairement connectées à l’univers d’Andersson (ces corps droits, gris…).

 

Oeuvres d’Otto Dix.

Cette austérité devient hilarante et musicale à travers le cinéma, média qu’Andersson découvre pendant les diverses vagues des années 60, après avoir un temps songé à devenir écrivain en lisant Albert Camus. Côté tempo, tout comme Woody Allen il apprécie le style jazz de la Nouvelle Orléans, ayant lui-même joué du trombone dans ses jeunes années. Sur Nous les vivants, il a fait appel à Benny Andersson, du groupe ABBA, qui a composé le début du score. Ensuite vient de la musique académique allemande, puis une reprise d’une chanson populaire sentimentale des années 30, adaptée à la fois pendant un (mémorable) solo de guitare électrique et sur une marche.

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Voilà mon tout premier Andersson. Je commence dans le désordre, puisqu’on a là le film central de sa trilogie des vivants, entamée avec Chansons du 2ème étage en 2000, puis « clôturée » en 2014, soient presque 15 ans plus tard, avec Un Pigeon perché sur une branche (…). Les guillemets sont de rigueur puisque son prochain film, About Endlessness (trad. A propos d’infinité), inspiré des Contes des mille et une nuits, pourrait bien acter une quadrilogie.

Un temps catalogué comme formaliste, Andersson est vu désormais comme un humaniste clairvoyant. « Nous sommes des créatures vulnérables. Vous pouvez nous observer à la fois avec tristesse, humour et peur », estime-t-il.

Sources : Telerama.fr ; Cineuropa.org ; Independent.co.uk

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