— C’est là Beaune, t’es sûr ?
Rhaaa, la paperasse ! Faut bien y passer. Après l’action, le rapport eu’d’police. On a tiré à la courte-paille entre moi et moi et devinez qui a perdu ! Ce sont toujours les mêmes qui scribouillent.
J’ai mené ma petite course entre ma casquette asiat’ pour les besoins de Cinemasie – et ceux de mon doublon perso Asie Bonanga – et mon bonnet de givré. Ça rend un peu schizo mais cette folie douce n’est pas désagréable au demeuré. L’entretien avec le réalisateur Mikkel Nørgaard et Fares Fares (Miséricorde, Profanation) est déjà en ligne et un peu plus bas le prof à Nation (Paris) cause Profanation au profane. J’en profite pour signaler que je soutiens les adeptes et que, donc, je me sens moi-même pro-fan.
Brave Men’s World / Borgríki 2 (Olaf de Fleur Jóhannesson, Islande, 2014)
Déterminé à faire tomber l’un des plus importants syndicats du crime du pays, Hannes, l’ambitieux chef du département des Affaires intérieures de la police de Reykjavik, décide d’ouvrir une enquête sur l’un de ses lieutenants qu’un ex-baron du crime, aujourd’hui derrière les barreaux, a dénoncé comme étant particulièrement corrompu. Il met sur l’affaire une ancienne de la brigade des Stups à qui il demande de surveiller, sous couverture, les faits et gestes de son collègue. Pensant pouvoir faire ainsi coup double en confondant le policier et en arrêtant l’actuel chef du crime organisé, Hannes s’engage alors sur une voie des plus dangereuses…
Ce film est une suite qui se veut indépendante du premier opus – pas vu – dont un remake fut un temps annoncé sous la férule de James Mangold par le biais d’une rumeur sur la toile.
On démarre plutôt bien avec cette histoire d’un flic recalé chez l’équivalent local du GIGN en raison de ses pauvres performances physiques et qui, par dépit, décide d’incorporer les bœufs carottes, la police des polices. A partir de là, la narration part malheureusement en sucette. On se met à suivre d’autres personnages, des flashbacks maladroits cassent le rythme en même temps que l’empathie et les emprunts gênants à la trilogie Stockholm Noir – adapté avec Snabba Cash et ses suite – font tâche. On se raccroche au tonfa avec quelques scènes violentes surprenantes et un flic ripoux formidablement démoniaque malgré une fin un chouia puérile qui fait du tout un énième sous-Parrain du pauvre, dominé par la star locale Ingvar Eggert Sigurðsson (Jar City). La mise en scène post-Greengrass, mal digérée, n’aide pas. C’est dommage, les acteurs sont formidables et méritaient mieux.
Hrafnkell Stefánsson, scénariste.
J’ai pu échanger quelques mots avec le co-scénariste Hrafnkell Stefánsson ; je lui ai parlé d’un autre film islandais Black’s Game et lui ai demandé s’il y avait vraiment une mafia à Reykjavik, une toute petit ville qui, pour y avoir été (et croisé Harrison Ford main dans la main avec Calista Flockhart, ça remonte), ne semble pas abriter un tel empire du crime. Il m’a répondu, d’un œil un brin parano que cet univers était sous-terrain, invisible à l’œil nu. Et qu’il n’y ait, justement, pas tant de monde en Islande fait qu’apparemment beaucoup se connaissent. La corruption est dès lors difficile à cerner quand tout le monde connaît tout le monde. A la question : « qu’avez-vous contre les femmes ? » – parce qu’elles encaissent méchamment dans ce film – il répond en rigolant que les actrices se sont éclatées à tourner les scènes de meurtre. Bref, ces réponses légères donnent une touche sympathique à ce petit film et, surtout, à tous ces artisans à qui l’ont aimerait donner un cadre plus solide ainsi qu’une seconde chance.
Une seconde chance (Susanne Bier, Danemark, 2014)
Policiers et amis, Andreas et Simon ont pourtant des vies bien différentes. Alors qu’Andreas vit une vie simple avec sa femme et son fils, Simon, qui vient de divorcer, passe la plus grande partie de son temps au bar du coin. Tout va changer quand ils vont devoir intervenir chez un couple de junkies en pleine dispute. Andreas trouve dans l’appartement le bébé du couple et se retrouve alors face à un dilemme…
C’est un bon Bier et un excellent ATJ (Anders Thomas Jensen) au scénario – remarque d’ailleurs soulignée lors de la remise du prix du Jury par Danièle Thompson elle-même, qui a insisté sur l’écrit, à ses yeux remarquable. A n’en pas douter, il l’est, mais lorsqu’on connaît le loustic on voit venir les étapes, on décèle l’ossature de la torture mentale qu’il nous a mijotée et l’on anticipe presque tous ses coups. « Presque » parce qu’au moins deux rebondissements valent franchement le détour. Je suis partagé, arrivé en bout de course, entre cette impression d’avoir assisté à une formule appliquée jusqu’au grotesque, qui montre ses limites, et cette autre d’avoir assisté à un show qui relève du génie, soutenu par une multitudes de performances d’acteurs à couper le souffle. Nicolaj Coster-Waldau figure bien le père usé jusqu’à la corde – on comprend ses actes -, Nikolaj Lie Kaas compose un père indigne aussi consternant qu’hilarant, Ulrich Thomsen souffle un peu – pour une fois – en jouant un personnage annexe – mais subtil – en renfort, quant au casting féminin, il est brillant. On sent que le scénario écrit par un homme, père de surcroît, se complète dans une réalisation féminine qui partage son point de vue mais aussi ceux des deux femmes incarnées par Maria Bonnevie – la mère, Anna – et cette autre mère, Sanne, jouée May Andersen, une ex-mannequin aussi sexy que la Julia Schacht de The Next Door – et salement « fappenée » sur la toile – à qui ce rôle convient un peu trop bien.
Qui interroge qui ?…
Comme d’habitude on en vient à aimer tous les personnages, on leur pardonne tout. On se prend en frontal un drame à l’inéluctabilité cette fois proche d’un Lars Von Trier – salaud ! – et, ensuite, on discute. Si les propos et les actes sont violents, on retrouve cette propension du duo Bier/ATJ à prôner la paix en fin de métrage. La formule, qui souffle le chaud et le froid, est manifeste, odieusement roublarde, si peu regardable pour un père ou une mère qu’on en vient à chercher un second degré diffusé avec parcimonie par les auteurs. Psychologiquement, les acteurs encaissent comme au bon vieux temps sacré du dogme, ce dont un Mads Mikkelsen se moquerait sans doute sans toutefois le profaner.
Profanation (Mikkel Nørgaard, Danemark, 2014)
En 1994, un double meurtre défraie la chronique. Malgré les soupçons qui pèsent sur un groupe de pensionnaires d’un internat, la police classe l’affaire, faute de preuve. Jusqu’à l’intervention, plus de vingt ans après, du Département V, celui de l’inspecteur Carl Mørck, et Assad, son assistant d’origine syrienne, spécialisés dans les crimes non résolus. Ensemble, ils rouvrent alors l’affaire qui les amène à enquêter sur l’un des notables les plus puissants du Danemark.
Le 1er a déjà été succinctement évoqué par-là, le seconde mérite à mes yeux un peu plus qu’on s’y attarde. Bien que putassier, dans la veine d’une adaptation d’un polar populaire comme le binôme ordurier L’empire des loups de Jean-Christophe Granger / Chris Nahon, que j’aime bien, on s’éclate devant ce spectacle volontairement schizophrène qui joue avec les codes hard boiled pendant l’enquête et ceux du drame amoureux lors des flashbacks. Beaucoup de polars font de même en jonglant entre le point de vue du flic et celui du tueur ou de la victime. Personnellement, je préfère lorsque l’on suit un gusse de A à Z et que la caméra lui colle à la nuque mais chacun voyage. En l’occurrence, l’adaptation en scénario – ils s’y sont mis à deux – optimise bien les enjeux. La musique de Johan Söderqvist – Morse – tutoie Zimmer pendant le polar, très fun grâce ses excès, et devient plus inspirée sur le très beau mélo que filme très bien Mikkel Nørgaard. La magnifique actrice Sarah-Sofie Boussnina, qui joue la « jeune » Kimmie, a des arguments qui justifient qu’on trouve là sa muse. On critiquera la trame qui, après tout, ne fait que reprendre celle du bouquin ; une histoire qui pourrait illustrer un épisode tv de Cold Case – encore un – voire même un vieux de 21 Jump Street parce que ça me rappelle quelque chose tout ça…
On s’en fiche : le tout tient surtout avec les deux personnages principaux, Assad et Carl, respectivement joués par Farès Farès et Nikolaj Lie kaas, aidés cette fois d’une pertinente secrétaire. Limitée par son matériau, c’est une réussite nettement plus aérée que le 1er opus – le réalisateur, malin, s’en explique très bien dans notre interview – mais l’on ne peut s’empêcher de se dire qu’un format TV plus long aurait permis à tous ces personnages, incarnés par de très bons acteurs, de davantage exister. Ajoutons qu’avec ces cassages de nez, le clin d’œil tuméfié au Chinatown de Polanski me rappelle cette question de Georges Miller posée à ses producteurs pendant le tournage des Sorcières d’Eastweek : « Pourquoi tenez-vous absolument à ajouter des effets spéciaux quand vous avez Jack Nicholson sous la main ? ». La remarque peut sans peine s’appliquer au protéiforme Nikolaj Lie Kaas sur lequel Nørgaard aurait davantage encore du s’appuyer. Son jeu et son charisme relèvent d’une mine d’or, d’un filon à exploiter jusqu’à épuisement.
Traquenard !
Piège typiquement Beaunien : coller une pièce de 1 centime au sol. Celui qui la ramasse devient immédiatement assimilé pauvre et se fait dans l’instant bannir du domaine. Faut faire gaffe, à VIP-City !
La cérémonie de clôture
Coucou le jury !
La grande finale a commencé avec un hommage rendu à Bertrand Tavernier, qui avec un naturel confondant a souligné que tout ça sentait le sapin mais qu’il espérait bien, si possible, tourner encore deux, trois voire quatre films ! C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Pour rappel, il avait obtenu le premier Grand Prix en 2009 pour son très bon Dans la brume électrique – je m’en souviens, j’ y étais.
S’est ensuivi la remise de prix.
Le Jury SANG NEUF présidé par Santiago Amigorena , entouré d’Anne Berest, Didier le Pêcheur, Philippe Lelièvre et Nina Meurisse , a décerné son prix :
Prix Sang Neuf : Life Eternal (Autriche & Allemagne).
Le Jury de LA CRITIQUE composé de journalistes a décerné les prix suivants :
Le Prix de la critique a été décerné par des magasine ciné à l’espagnol Marshland (déjà reparti avec une 10aine de Goya dans sa contrée d’origine).
Le Jury SPÉCIAL POLICE présidé par Danielle Thiery, entourée de Eric Berot, Luis Moisés, Jean-Marie Salanova, Michel St Yves et Marc Thoraval a décerné son prix :
Le Jury LONGS MÉTRAGES présidé par Danièle Thompson, entourée d’Eric Barbier, Emmanuelle Bercot, Stéphane de Groodt, Philippe Le Guay, Laure Marsac, Jean-François Stévenin et Elsa Zilberstein, a décerné les prix suivants :
Prix du Jury : A Second Chance (DK), ex-aequo avec Hyena (UK).
Et enfin, le Grand Prix : Victoria (Allemagne) ; à savoir un plan séquence de plus de 2h qui a fait son petit effet.
La remise du Prix Claude Chabrol 2015 – qui récompense un bon film français affilié au polar sorti en 2014 – a été remis à La chambre bleue de Mathieu Amalric.
La remise des Grands Prix du roman noir a récompensé L’inspecteur est mort de Bill James dans la catégorie polar étranger (Pays de Galle) ; et Sara la noire de Gianni Pirozzi côté français.
Comme ces deux livres sont sortis – comme par hasard diront certains – dans la collection Rivages/Noirs de François Guérif, une personnalité incontournable du Festival, il est venu en personne récupérer ces prix en profitant de l’occasion pour défendre le format poche. Fait notable : ces deux œuvres ne sont en effet pas passées au préalable par la case gros liv’ qui brille.
Conclusion à Ferguson
Avec des gars déguisés en flic, des flics déguisés en flics et tous ces gyrophares, gilets pare-balles etc, à un moment du festival, entre deux séances je me serais cru téléporté à Ferguson, USA. Du coup j’ai cherché un black du regard, j’en ai trouvé une. Je lui ai demandée :
— Ca vous fait quoi de voir la police de Ferguson débarquer à Beaune ?
— Vous voyez le shérif, là-bas ? C’est mon mari, m’a-t-elle répondu en souriant.
Merci au Public Système, en particulier à Clément Rébillat, pour son soutien.
Merci à la ville de Beaune pour son accueil & hello aux quelques comparses blogueurs croisés ça et là.
Ping : The Guilty (Gustav Möller, DK, 2018) – Les Givrés d'la Bobine
Ping : The Guilty (Gustav Möller, DK, 2018) | ScandinAsian Chairlines, par Arnø Ching-wan