Häxan (Danemark, Suède, 1922) : avis d’un givré

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Häxan toujours tonique

Démystification des sorcières le temps d’un docu-fiction datant du début des années 20.

Signifiant « sorcière » en suédois, Häxan est à la fois un objet de scandale depuis sa naissance en 1922, une référence ancestrale du cinéma fantastique, une œuvre notable à vocation (pseudo ?) pédagogique sur les sorcières en même temps qu’un défouloir honteux d’alors, au même titre que la série d’horreur contemporaine des Saw pour nous. Haxan, c’est tout ça.

Si certains passages prêtent désormais à sourire, vétusté oblige, la structure du récit n’a rien perdu de sa pertinence, pas plus que la démonstration, certes désuète de nos jours mais, sur le fond, toujours autant d’actualité quant aux conséquences dramatiques de l’ignorance. Ne rions pas des croyances d’antan quand l’importance des sectes grandit toujours dans l’hexagone. La grande réussite du film réside dans sa démolition jubilatoire de l’église. Tous ces moines apparaissent au mieux comme des lâches, au pire comme de véritables satanistes, ce qu’ils étaient, à n’en pas douter, à nourrir ainsi cette folie pour des raison inavouables, bassement humaines. Jalousie, Pouvoir…

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On jubile devant Häxan comme devant Les Diables de Ken Russel(*) : la démonstration y est puissante, la provocation bienvenue et, surtout – et paradoxalement pour certains – le bon esprit y est flagrant, contrairement à la défroque malsaine des moines de cette époque, auto-définie pourtant comme uniforme du bien. Rarement l’expression « l’habit ne fait pas le moine » aura aussi bien été explicitée, avec comme gros climax cette scène où une pauvre vieille, torturée à outrance, en vient à admettre tout et n’importe quoi à des moines pervers afin qu’ils arrêtent de lui faire subir l’insoutenable. A cet instant la musique de Johannsson – un score de 2006 – trouve une inspiration adaptée, puissante, les yeux humides de notre fausse sorcière se lèvent au ciel et le réalisateur danois Benjamin Christensen s’en va nous illustrer ses délires dans un paradigme qui obtient là toute sa raison d’être, le socle même de son existence : les sabbats, les embrassades du cul du diable, les balais volants, les incantations délirantes… Durant cette scène, Häxan se fait intemporel en même temps qu’universel, l’illustration de ces vilains contes de fées revêt une autre et grave dimension : ils naissent dans la douleur et non d’un Tolkien rêvassant près de son arbre en fumant la pipe, imaginant que, tiens, et si dans un trou vivait un hobbit ? Point de naïveté ici, le lutin n’existe que parce qu’un olibrius a forcé une pauvre ère martyrisée à avouer cette réalité. Et si la conclusion peut sembler simpliste en mettant sur le dos de l’hystérie les comportement des « sorcières » de l’époque, alors que, avouons-le, une simple différence comportementale par rapport à la masse pouvait tout autant amener au bûcher, cette réflexion sur la folie reste encore d’une ouverture d’esprit exemplaire, en plus d’être, c’est important, un sacré bon film fantastique blindé d’effets spéciaux efficaces. Le diable, joué d’ailleurs par Christensen lui-même, évoque toujours et avec bonheur le bestiaire de la BD Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi, ou même le démon fascinant du The Cell de Tarsem Singh. Entre autres. Ajoutons à cela une direction d’acteurs qui vieillit mieux que certains jeux des années 50 et on obtient là une œuvre habitée tenant encore sacrément – ou diablement, c’est mieux – bien la distance. Habitée par de bonnes fées, des saltimbanques aimant la vie, des gens heureux, sans complexes…

Bien sûr, ma vision des choses est faussée, mes yeux ne sont pas ceux d’un spectateur du début des années 20 mais peu importe : plaisir il y a eu à voir ce film. L’âme imprégnée sur cette pellicule reste bien vivace et l’œuvre d’utilité publique. En plus du domaine puisque le film Häxan est libre de droits, ce qui explique les nombreuses partitions musicales qui existent depuis, se servant là d’un bien beau support, tremplin évident pour tout désir de créativité.

Haxan sur IMDb

(*) Voisinage intéressant : Les Diables est projeté cette même semaine au Moulin de la Vapeur, à Olivet (Orléans). Jeudi 28/05, 20h30, entrée libre.

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